Pourquoi il faut voter contre les deux projets de lois ...
Le pacte d’austérité Sarkozy/Merkel est constitué de trois textes concernant les traités
1- une modification du traité de l’Union Européenne (article 136) autorisant la création d’un
mécanisme européen de Solidarité (MES)
Soumis actuellement à ratification au Parlement Français.
2- un traité intergouvernemental des membres de la zone euro et d’autres créant le MES, en
fixant le cadre, les règles de fonctionnement et de déclenchement.
Soumis actuellement à ratification au Parlement Français.
3- un traité intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de
l’Union économique et monétaire (TSCG), qui oblige à l’inscription de la «règle d’or», prévoit
des sanctions automatiques des pays et instaure durablement l’austérité en Europe.
Ce traité doit être signé par les chefs d’Etat et de gouvernement début mars et devra ensuite être
ratifié dans les Etats membres. Pour la France, ce sera après l’élection présidentielle.
François Hollande a eu raison d’indiquer qu’il souhaitait renégocier ce traité et le paquet
Merkel/Sarkozy, qui tourne le dos à la croissance et à une sortie réelle de crise de l’UE.
Les trois textes décrits ci- dessus constituent en fait un tout et il est illusoire de croire qu’on
peut les dissocier.
Nicolas Sarkozy a décidé de soumettre les textes à ratification en deux temps :
Le piège du vote en deux temps pour un dispositif unifié.
Nicolas Sarkozy nous tend un piège dans lequel il ne nous faut pas tomber. Il dissocie en effet ce qui
relève du MES et ce qui concerne le traité de gouvernance, qui plus est prévoyant des dates de
ratifications proches pour les deux premiers textes , en pleine campagne électorale et en reportant
ensuite, après l’élection, la partie la plus contestée, le traité de discipline budgétaire.
Son objectif est clair: attiser les divisions à gauche, introduire de la confusion, pour renforcer le doute
dans les couches populaires, qui estiment souvent que, s’agissant de la construction européenne notre
parti n’a pas toujours répondu à leurs aspirations et défendu leurs intérêts.
De plus, une abstention (ou pire, un vote positif) serait utilisée par le candidat président, qui relèverait
que nous actons une certaine avancée dans la solidarité européenne et qui le mettrait à son
actif……alors que la réalité est tout autre !
Nous devons déjouer ce piège et montrer que ces trois textes constituent un pacte d’austérité qui ne
répond ni aux exigences de solidarité, ni à la consolidation de la Zone Euro et qui n’offre pas une
perspective de sortie de la crise actuelle. C’est l’ensemble du paquet qu’il faut renégocier. C'est
l'ensemble du cadre actuel qu'il faut refuser.
Les trois textes constituent bien un ensemble totalement imbriqué.
1- Concernant la modification de l’actuel traité de Lisbonne, le texte soumis à la ratification du
Parlement, qui comporte deux articles, contient la phrase suivante : « l’octroi au titre du mécanisme de
toute assistance financière nécessaire sera subordonné à une stricte conditionnalité ». L’insistance à 2
inscrire ce point dans le TFUE ne s’imposait pas (dans tous mécanismes d’aide, il y a des conditions
qui sont définies dans le règlement du mécanisme) et n’est en rien neutre, d’autant que le texte créant
le mécanisme est lui beaucoup plus explicite (cf ci-dessous). Par ailleurs, au-delà du juridisme, tout le
monde sait que le cadre politique imposé est bel et bien la mise en œuvre du pacte d’austérité
« Merkozy ».
2- S’agissant de la création du MES, il est clairement fait référence dans le préambule du traité (qui a
valeur de traité) : « le présent traité et le TSCG (3ème traité) sont complémentaires dans la promotion
de pratiques budgétaires responsables et de la solidarité au sein de l’UEM. Il est reconnu et convenu
que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes sera conditionné, à
partir du 1er Mars 2013, à la ratification du TSCG par l’Etat membre concerné et à l’expiration du
délai de transposition aux exigences prévues ».
Il est clair que le MES ne sera déclenché que lorsque le traité de discipline budgétaire (TSCG) sera
approuvé par ceux qui auront besoin d’aides. Il y a donc un lien effectif avec le traité « Merkozy » et la
politique d'austérité. Ceci est encore plus net lorsqu’on voit comment l’UE agit en Grèce! Le MES
sera conditionné à l’acceptation du traité à venir de discipline budgétaire. Nous ne pouvons
l’accepter en l’état.
Lorsque le lien juridique est établi, on ne peut accepter de ratifier séparément les traités!
Il n'est jamais bon de séparer le fond de la forme. Combien de fois, avons-nous vu des dispositifs qui
en principe paraissaient intéressants et dont la mise en œuvre les détournait de leur intention! A
fortiori, cette fois-ci, lorsque la mise en œuvre est conditionnée par un futur traité.
Au-delà du fait juridique, il y a la réalité et le fait politique.
On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas la Grèce. L’intervention du MES en l’état, c’est la
méthode de la Troïka en Grèce, que nous ne pouvons valider (stratégie de l’aide conditionnée aux
critères définis par l’UE).
La mise en œuvre, en l’état du MES est une «solidarité» sous contrainte d’austérité et sous
tutelle des états par les instances européennes. Ce n’est pas notre vision de la solidarité
La conditionnalité de l’octroi des aides du MES à la ratification du traité « Merkozy » revient à mettre
le couteau sous la gorge des pays qui ont des difficultés et à les contraindre à des pertes de
souveraineté et à des politiques contraires à l’intérêt de leur peuple.
Non seulement c’est inacceptable, mais devant l’urgence de la situation, certains gouvernements se
précipiteront pour ratifier un traité……. que la gauche renégociera si son candidat est élu! Nous
prenons le risque d’un moins bon rapport de forces en Europe pour renégocier après mai.
D’autres outils sont nécessaires à la solidarité en Europe, par exemple les Eurobonds qui, pour être
créés, devraient être inscrits au même article du Traité actuel (136) que celui que le gouvernement
nous propose de modifier. Il n’est pas raisonnable d’amender un article que nous voudrions à nouveau
modifier dans le cadre de la renégociation des traités.
Nous n’avons pas la même idée que Merkel/Sarkozy de la solidarité et du traitement des dettes
souveraines. Vu le développement de la situation, il faudra sans doute aussi reposer la question du
rachat par la BCE des dettes souveraines.
Mais en tout cas, la réécriture de l’article 136 du TFUE s’imposera. Nous devons y œuvrer et donc ne
pas le transformer insuffisamment et dans des termes mal adaptés (cf « stricte conditionnalité ») à
quelques mois d’une renégociation souhaitée.3
Il n’y a pas urgence à ratifier, d’une part parce ce MES n’est pas l’outil qui permettra l’aide à
la Grèce, d’autre part parce qu’il ne sera opérationnel qu’après l’adoption du traité TSCG. Il ne peut
répondre à l’urgence de la situation et ne sera pas opérationnel à court terme. Il existe le FESF (Fonds
Européen de Stabilité Financière) et il faut pousser à l’intervention de la BCE. A supposer même que
nous puissions le bloquer par notre vote négatif (ce qui semble néanmoins assez peu probable au
regard du rapport de forces actuel au sein de l’assemblée), l’adoption nécessaire du MES constituerait
au contraire une pression pour aboutir dans une renégociation de l’ensemble.
Un vote contre serait un atout pour renégocier le traité « Merkozy » et le plan de sortie de
crise de l’Euro. Il donnerait de la crédibilité à cet engagement.
En Europe, il n’est de compromis fécond que dans le cadre d’un paquet global (Jacques Delors
explique cela très justement). Si on donne unilatéralement notre accord dès à présent sur la partie que
nous pourrions juger positive dans un autre cadre, alors il ne reste plus qu’à traiter les points de
désaccord avec un moindre rapport de forces. J’ai pu le constater à tous les niveaux des négociations
européennes. La renégociation doit porter sur un ensemble cohérent, dans lequel tout le plan
Merkel/Sarkozy est remis sur la table.
Au contraire, une abstention et, pire encore un vote positif, donnerait le sentiment que la
renégociation souhaitée n’est qu’un ajustement à la marge des propositions actuelles, alors que
chacun voit bien -et le déroulement de la situation en fait chaque jour la preuve- que c’est réellement
un nouveau cadre qui doit être mis en place.
Nos électeurs et, de façon plus générale, les Français ont besoin d’un signe clair: ce qui se passe en
Grèce est inacceptable et ce qui se prépare à travers les accords Merkel/Sarkozy est également
inacceptable. Il faut que cela change vraiment. Nous voulons de réels mécanismes de solidarité
européens adossés à une sortie de crise qui refuse l’austérité et la régression.
La droite peut faire ratifier ces deux textes. Qu’elle assume alors ses responsabilités. Nous
savons qu’elle nous conduit aux pires difficultés. Ne donnons pas le moindre signe de confusion,
de ce qui serait interprété comme une collusion, même sur un point limité. L’affaire est trop
grave et nous serions jugés sévèrement par nos concitoyens et par l’histoire si nous ne nous
posons pas en alternative résolue. A l’évidence, seul le vote contre ces deux textes évite ces
risques et assure la clarté.
Marie-Noëlle LIENEMANN
Sénatrice de Paris